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Cabine de bronzage ouverte
Les idées reçues associées aux cabines de bronzage persistent. Ground Picture/Shutterstock

Bronzage artificiel : inutile, dangereux… mais toujours autorisé !

À l’heure des vacances estivales, certaines personnes pourraient être tentées de procéder à quelques séances de bronzage artificiel pour, soi-disant, préparer leur peau au soleil.

C’est une mauvaise idée et cette pratique est fortement déconseillée par les autorités de santé.

Idées reçues sur les supposés atouts des UV artificiels

Croire que les ultraviolets (UV) des cabines de bronzage préparent la peau au soleil de l’été est une des idées fausses les plus répandues qui circulent sur ces UV artificiels.

La composition des UV artificiels est différente de celle du soleil. Les rayonnements ultraviolets contenus dans la lumière naturelle sont ainsi répartis en trois « bandes », en fonction de leurs longueurs d’onde, des moins aux plus énergétiques : UVA, UVB et UVC.

En France, les cabines de bronzage émettent principalement des UVA (qui pénètrent plus profondément notre peau qui, de ce fait, s’affine et vieillit plus vite), le taux d’UVB étant limité par la réglementation. Toutes les longueurs d’onde des rayonnements UV, via des mécanismes biologiques différents, sont des cancérogènes certains.

De plus, les UV artificiels ne font que colorer la peau, sans déclencher le mécanisme d’épaississement associé à des expositions progressives au soleil. Une étude a ainsi montré un doublement des cas de coups de soleil chez les personnes atteintes de mélanomes utilisatrices de cabines de bronzage.

Et comme il n’y a pas de sensation de chaleur, le risque de brûlure en cas d’exposition prolongée est réel.


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Parmi les autres arguments utilisés pour justifier l’intérêt des cabines de bronzage, l’apport en vitamine D ou la lutte contre la dépression saisonnière ont la vie dure.

Or, notre organisme produit la vitamine D suite à son exposition aux UVB… qui sont très minoritairement émis par les cabines. À noter que quelques minutes d’exposition au soleil (mains, visage) suffisent largement pour couvrir les besoins normaux en vitamine D…

Quant aux effets positifs sur le moral des UV artificiels, ils sont inexistants là encore : seule la lumière visible joue ce rôle.

Coups de soleils, vieillissement cutané, cancers…

Les données scientifiques et sanitaires ne laissent aucun doute sur les risques pour la santé que fait peser la pratique du bronzage artificiel. Comme le souligne l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis de nombreuses années : « Cancer, coups de soleil, accélération du vieillissement cutané, inflammation oculaire et immunosuppression transitoire sont tous associés à l’utilisation des appareils de bronzage ».

De nombreux travaux montrent également que l’exposition aux UV artificiels peut engendrer une addiction au bronzage.

Concernant le cancer, de loin l’effet le plus grave, les études les plus récentes permettent de préciser comment le risque de mélanome, par exemple, augmente en fonction des pratiques.

Les rayonnements UV artificiels sont classés dans la catégorie des agents cancérogènes certains par le Centre international de recherche sur le cancer, le Circ, une agence de l’OMS.

Dès 2006, dans une méta-analyse regroupant 19 études épidémiologiques, le Circ mettait en évidence un risque de mélanome encore plus élevé lorsque les expositions aux UV artificiels avaient débuté avant l’âge de 30 ans.

Plusieurs études internationales et méta-analyses ont depuis confirmé que plus la première séance de bronzage en cabine est réalisée jeune, plus le risque de développer une tumeur maligne de la peau (mélanome) augmente.

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Le nombre annuel de séances ainsi que la durée globale d’exposition sont également directement corrélées avec l’augmentation du risque.

Attention aussi à l'exposition aux UV du soleil !

L’exposition aux rayonnements ultraviolets émis par le soleil est également dangereuse. Les UV du soleil sont aussi classés par le Circ dans la catégorie des cancérogènes certains. Des campagnes de prévention contre les risques à s’exposer au soleil sans protection sont d’ailleurs régulièrement diffusées à l’initiative, notamment, des pouvoirs publics.

Le message semble peu à peu être intégré, en particulier pour les jeunes enfants (porter des lunettes de soleil et un tee-shirts anti-UV, choisir les horaires les plus appropriés pour se rendre à la plage…).

C’est pourquoi la possibilité de s’exposer à des UV artificiels, dont les séances en institut peuvent représenter l’équivalent d’un soleil tropical d’index UV 12, apparaît paradoxale. L’index (ou indice) UV exprime l’intensité du rayonnement ultraviolet et le risque qu’il représente pour la santé : au-delà de l’indice 10, les risques sont extrêmes…

tableau de l’index UV
Les séances d’exposition aux UV artificiels, même en institut, peuvent soumettre la peau à des index UV très élevés, supérieurs à 10, connus pour être dangereux. Sudowoodo/Shutterstock

Des appareils dont la vente est interdite aux particuliers… en théorie

La vente aux particuliers d’appareils de bronzage est pourtant interdite en France… depuis le 26 janvier 2016. Une mesure de santé publique instaurée 17 ans après le classement des rayonnements UV artificiels par le Circ comme cancérogènes certains. Aucun doute possible sur l’intérêt de cette disposition.

Et pourtant, en 2023, l’interdiction n’est toujours que théorique.

L’article de la Loi de modernisation de notre système de santé, qui interdit « la vente ou la cession, y compris à titre gratuit, d’un appareil de bronzage pour un usage autre que professionnel », prévoit en effet qu’un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de cette interdiction.

Les directions générales des ministères en charge de la santé et de la consommation ont donc préparé un projet qui, conformément à la mécanique juridique entre l’Europe et ses états membres, a été notifié, c’est-à-dire présenté, à la Commission européenne.

Or, si un projet de réglementation nationale est susceptible, selon la Commission ou d’autres états membres, de créer des obstacles à la libre circulation des marchandises, l’Europe peut bloquer son application. C’est ce qui s’est produit, à la faveur des relations complexes entre la normalisation et la réglementation européennes.

Les raisons invoquées par la Commission européenne pour bloquer le décret français tiennent au fait que les appareils de bronzage tombent sous le coup d’une autre réglementation européenne (directive 2014/35/UE) dite « basse tension », qui réglemente tous les appareils électriques branchés sur le secteur.

La conformité des appareils de bronzage à cette directive est établie à partir d’une norme technique (EN 60335-2-27), qui indique que les appareils de bronzage de type « UV3 » (selon le décret n°2013-1261) peuvent être utilisés par des particuliers dès lors que la sécurité électrique est assurée.

Par conséquent, tout matériel conforme à ces exigences peut circuler librement au sein de l’Union européenne.

Les arguments en faveur de la protection de la santé n’ont pas su renverser la logique réglementaire européenne : la Commission a ainsi rejeté le projet de décret français, qui aurait fait obstacle à la libre circulation sur le marché européen des bancs solaires destinés aux particuliers.

Au passage, toutes les autres dispositions du décret, visant notamment à renforcer l’information des utilisateurs de cabines de bronzage en institut sur les risques pour la santé, ainsi que le contrôle des appareils, n’ont pu à ce jour être mises en œuvre.

L’impact en France… évitable

Les expositions aux UV artificiels sont facilement évitables, leurs conséquences sur la santé aussi : une étude a estimé, en 2015, que 83 % des mélanomes (3 % des cancers en France) pouvaient être attribués à l’exposition solaire, et 3 % aux appareils de bronzage. Le baromètre cancer 2015 précisait que 1,5 % de Français, dont des mineurs, malgré l’interdiction en vigueur, avaient réalisé des séances de bronzage en cabine.

En faisant l’hypothèse que les mélanomes induits par les cabines de bronzage ont les mêmes conséquences que ceux provoqués par les ultraviolets solaires, entre 19 et 76 décès par an seraient associés à la pratique du bronzage artificiel.

Dès novembre 2009, à la suite du classement par le Circ des UV artificiels comme « cancérogènes certains pour l’Homme », le Brésil a été le premier pays à interdire totalement l’usage des appareils de bronzage. D’autres ont suivi ; les États australiens de Victoria (en 2005), de Nouvelle-Galles-du-Sud (en 2015), puis tous les états australiens depuis le 1ᵉʳ janvier 2016 ont prohibé à leur tour la pratique commerciale du bronzage en cabine.

En France toutefois, la voie réglementaire promet d’être encore longue avant de supprimer une exposition inutile et responsable de nombreux décès. Les trois derniers avis de l’Anses sur les risques pour la santé liés au bronzage artificiel recommandaient pourtant, sans équivoque, « la cessation, à terme, de tout usage commercial du bronzage par UV artificiels et de la vente d’appareils délivrant des UV artificiels à visée esthétique ».