Le ministre des Finances d’Israël, l’ultranationaliste Bezalel Smotrich, a annoncé en mai qu’il gelait les transferts de fonds dus à l’Autorité palestinienne qu’Israël perçoit sur la TVA et les droits de douane pour les biens et services importés pour le compte des Palestiniens. Cette décision a été prise en réaction à la reconnaissance d’un État palestinien par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège.
Smotrich a également effectué des déductions sur ces recettes et a menacé de couper les banques palestiniennes de leurs homologues israéliennes. Cette mesure mettrait un terme à toutes les transactions financières de la Palestine avec l’étranger et à l’importation de nombreux biens essentiels dans les territoires palestiniens.
Ces développements surviennent alors que l’Autorité palestinienne, l’organe gouvernemental qui exerce un contrôle partiel sur la Cisjordanie occupée, est déjà aux prises avec une grave crise financière.
L’économie palestinienne proche de l’effondrement
Selon un rapport publié fin mai par la Banque mondiale, la situation financière de l’Autorité palestinienne s’est « dramatiquement aggravée » au cours des trois mois précédents, laissant entrevoir la perspective d’un « effondrement fiscal imminent ».
L’économie palestinienne est déjà en proie à une explosion du chômage et de la pauvreté. Près d’un demi-million d’emplois ont été perdus en Cisjordanie et à Gaza au cours des neuf derniers mois. Le 10 juillet, un groupe d’experts indépendants en matière de droits de l’homme mandatés par les Nations unies a déclaré que la famine se propageait dans toute la bande de Gaza. L’effondrement financier de l’Autorité palestinienne ne fera qu’aggraver la situation.
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Israël exerce depuis longtemps une puissante emprise financière sur l’Autorité palestinienne. En vertu des accords de paix conclus dans les années 1990, le ministère israélien des Finances collecte les impôts au nom des Palestiniens et effectue des transferts mensuels à l’Autorité palestinienne. Mais Israël a cessé d’effectuer ces transferts peu après le début de la guerre, retenant des fonds qui représentent entre 60 et 70 % du budget public palestinien total.

Les habitants de la Cisjordanie ne sont pas les seuls à être touchés. L’Autorité palestinienne a été expulsée de la bande de Gaza par le Hamas en 2007. Mais de nombreux employés du secteur public de ce territoire ont conservé leur emploi et ont continué à être payés avec les recettes fiscales transférées. Israël gèle désormais les paiements destinés à ces employés dans la bande de Gaza également, au motif qu’ils pourraient tomber entre les mains du Hamas.
Puis, le 10 mai, et plus récemment en juin, Smotrich a annoncé qu’il déduirait respectivement 35 millions de dollars et 46 millions de dollars des recettes fiscales de l’Autorité palestinienne. Le rapport de la Banque mondiale affirme que la déduction du mois de mai a, à elle seule, augmenté « les enjeux et le risque d’un effondrement systémique potentiel ».
L’écart entre les recettes de l’Autorité palestinienne et le montant nécessaire aux dépenses publiques essentielles se creuse rapidement. Ce déficit de financement a atteint 682 millions de dollars et, selon le rapport de la Banque mondiale, il devrait doubler au cours des prochains mois pour atteindre 1,2 milliard de dollars.
En mai, l’Autorité palestinienne n’a pu verser aux travailleurs du secteur public qu’entre 50 % et 70 % de leurs salaires. Elle n’est pas non plus en mesure de rembourser ses crédits contractés auprès de ses banques nationales, ce qui accroît sa dépendance à l’égard de l’aide étrangère pour payer ses dettes.
Chantage financier
Le 28 juin, les espoirs de voir l’Autorité palestinienne échapper à l’effondrement ont été ravivés. Smotrich a annoncé qu’il approuverait finalement le dégel des recettes fiscales des trois derniers mois et qu’il étendrait une dérogation permettant la coopération entre les banques israéliennes et palestiniennes.
Mais cela se ferait en échange de l’approbation rétroactive de cinq colonies israéliennes déjà construites en Cisjordanie. Or les colonies de ce type, dites avant-postes (outposts), sont considérées comme illégales par la grande majorité de la communauté internationale.
Cette nouvelle décision du gouvernement a suscité des critiques de la part des Palestiniens, mais aussi des États-Unis et du Royaume-Uni. Le 30 juin, un porte-parole du Bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni a déclaré : « Le Royaume-Uni s’oppose fermement à l’annonce de la légalisation de cinq outposts en Cisjordanie ainsi qu’aux nouvelles mesures punitives prises à l’encontre de l’Autorité palestinienne. »

Mais dans les jours qui ont suivi, Israël a également fait savoir qu’il avait approuvé la saisie de plus de 12 km2 de terres palestiniennes en Cisjordanie occupée – sa plus grande saisie de terres depuis 1993. Cette mesure fait suite à une série de saisies de terres similaires au cours des deux dernières années. En 2023, par exemple, Israël a établi un nombre record de 26 colonies en Cisjordanie, forçant 21 communautés palestiniennes à quitter leurs maisons.
Parallèlement au renforcement du contrôle financier, qui a mis l’Autorité palestinienne à genoux, ces accaparements de terres doivent être considérés comme faisant partie de l’objectif plus large d’Israël de contrôler une plus grande partie de la Cisjordanie et d’empêcher le développement d’un État palestinien.
Cette intention s’est clairement reflétée dans les commentaires de Smotrich. À la suite de l’annonce la plus récente de l’accaparement de terres, il a déclaré : « Dieu merci, nous construisons et développons les colonies et contrecarrons le danger d’un État palestinien ».
L’économie palestinienne pourrait connaître un bref répit. Mais l’Autorité palestinienne, en proie à des difficultés financières, est loin d’être tirée d’affaire. La Banque mondiale a appelé à une action rapide pour éviter son effondrement financier. Ce qui se passera maintenant dépend en grande partie d’Israël.